La Hottée de Gargantua à Molinchart

Buttes sableuses du Mont-Fendu à Besny

La formation des grès près de Laon


Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, la montagne de Laon et les collines qui sont au sud sont formées de masses sableuses surmontées de bancs de calcaire grossier.

Le sable est constitué par de petits grains de silice provenant de l'usure des roches contenant du quartz ou des silex. On a un exemple frappant de cette formation lorsqu'on visite une des stations de bains ide mer, comme Le Tréport, sur la côte crayeuse de la Manche. Les falaises, rongées à leur base par la mer, s'écroulent de temps à autre, et leurs débris sont remués par les vagues. Les parties ténues sont enlevées par les courants côtiers, tandis que les parties dures, comme les rognons de silex continuellement frottées les unes contre les autres, s'arrondissent : ce sont alors les galets qui forment un premier cordon, puis vient le produit de l'usure : le sable des plages. La silice, soit sous forme de quartz, de silex ou de sable, est une roche excessivement dure qui raye le verre ou l'acier trempé.

Si le sable sec, qui s'écoule de la main comme un liquide, vient à être imprégné d'une substance collante; il reforme une roche compacte. Ainsi l'eau peut jouer ce rôle par les temps de gelée, mais naturellement le dégel amène la désagrégation. L'effet devient durable quand de l'eau chaude contient certaines substances dissoutes qui deviennent insolubles après son évaporation, telles que l'oxyde de fer, le calcaire, la silice. Alors la roche prend le nom de grès.

Si c'est de l'oxyde de fer qui a soudé les grains de sable, le grès s'appelle grès ferrugineux. Il a une couleur brun-rougeâtre. Il peut être mélangé d'un peu d'argile qui lui donne une apparence rayée, bigarrée. Il n'est pas excessivement dur et on en trouve dans les Vosges, en Alsace où' il est employé dans les constructions, notamment la cathédrale de Strasbourg.

Le calcaire se dissout dans les eaux chargées d'acide carbonique et ces eaux peuvent en abandonnant cette acide fournir le calcaire agglutinant les grains de sable. Les grès qui en résultent sont les grès calcaires, faisant effervescence sous les acides, de dureté moyenne, pouvant être taillés, et souvent employés à faire des meules à repasser les outils.

La silice peut exister dissoute dans les sources thermales, et, en se répandant dans les masses de sable, former le grès siliceux. C'est le plus dur des grès, il est à peu près impossible de le tailler : on ne lui donne une forme qu'en en détachant des éclats par le choc d'un marteau et la cassure est creusée en forme de coquille. Il est imperméable : un rayon de soleil après une pluie suffit pour pécher les pavages de grès siliceux. Malgré cela il a le mauvais renom d'être humide et d'être rejetédes constructions par des architectes qui n'ont pas observé suffisamment ses qualités.

A toutes les époques géologiques il s'est formé des sables, mais dans les plus anciennes formations sédimentaires ils se sont tous transformés en grès, dont les fissures se sont remplies de quartz, et qui sont exploités notamment dans le nord des Ardennes, sous le nom de quartzite ou pierre bleue, pour servir au revêtement de nos chaussées.                /

A Laon (La Neuville) et en s'avançant vers l'ouest et le nord-ouest vers la forêt de St-Gobain, Crépy, Aulnois, se sont formés des grès siliceux dans la masse de sable que le retrait des eaux n'avait pas encore entamée, par l'action de sources chaudes. Tantôt c'est une action vive qui a solidifié une masse de sable sur place avant l'écoulement de l'eau ; tantôt les eaux siliceuses se sont répandues en nappes près des sources et ont formé des bancs de grès.

De la première manière nous avons comme exemple La Hottée de Gargantua entre Molinchart et Laniscourt : c'est un amoncellement de blocs énormes qui a fait rêver les anciens et leur imagination leur a fait voir un de ces géants des vieux contes qui avait vidé là sa hotte lourdement chargée. Un géographe présente ce tas de roche comme un monument druidique. La vérité est plus simple, ce n'est pas un vestige des anciennes religions, sa formation est naturelle, mais c'est au moins un socle imposant pour le calvaire qui a été dressé à son sommet.

De l'autre manière, l'exploitation des grès du « Mont-Fendu » entreBesny et Vivaise nous montre l'étalement des couches. Cette butte peut être un agréable lieu de promenade (pour les laonnois accompagnés de leurs enfants qui, s'ils ne veulent pas faire à pied les sept kilomètres ont à proximité la halte de Besny. Les enfants ont l'illusion de faire de l'alpinisme, sur un sol toujours sec, car l'eau s'infiltre immédiatement dans le sable et un rayon de soleil vaporise ce qui peut rester. Au printemps la flore, celle .des terrains sableux pauvres, bruyères, genêts et ajoncs, la pare de buissons d'un jaune éclatant. Les ajoncs, communs en Bretagne, mais si rares dans le Laonnois, s'y trouvent en broussailles épineuses.

L'existence de ces formations gréseuses dans le sable va nous permettre de comprendre l'aspect de ce coin de notre pays.

La région dont Paris est le centre a été autrefois une mer dont le fond, à des dizaines, peut-être des centaines de mille ans d'intervalles a subi tantôt des exhaussements, tantôtides affaissements, et, suivantle plusou moins de profondeur, suivant le calme ou l'existence de courants, a eu des dépôts différents. Lors du relèvement qui a donné à notre région son aspect actuel, les courants des eaux se retirant enlevèrent tout ce qui n'était pas cohérent et épargnèrent les parties protégées par les bancs de pierre ou de grès. C'est ainsi que les sources ayant aggloméré les sables -furent cause qu'ils ne furent pas enlevés existaient les grès, et nous avons l'explication de la présence de buttes sableuses, avec grès ayant été exploitées ou non, à La Neuville vers Loisy, à Besny, à Molinchart, à Aulnois, etc. A Molinchart on peut remarquer cette ;n-fluence du courant qui a dénudé la butte du côté où il arrivait tandis qu'il laissait un dépôt au contre-courant.

Dans le vieux temps, là comme partout, on a eu recours pour les constructions aux matériaux qu'on trouvait à Proximité et c'est la difficulté des transports qui a fait choisir le grès dans la région plutôt que le calcaire des carrières relativement peu éloignées. Seulement, nous l'avons dit plus haut le grès n'est pas une roche commode, on lui donne une forme par éclatement ; avec lui pas de moulures, de fioritures possibles : il est encore plus intraitable que le granit et par son emploi on a des constructions rugueuses, frustes, d'un aspect particulier.

Lorsqu'on voyage on aime à trouver de l'originalitéaux régions parcourues. Malheureusement cette originalité tend a disparaître. On n'a plus de modes locales parce que les propriétaires et les architectes par leurs voyages et les illustrations des livres et des journaux ont des idées personnelles et que la facilité des transports ne limite plus le choix des matériaux. Lors des démolitions, les grès ne font réutilisés que dans les fondations, des murs de clôture et même brisés pour le blocage des chemins et ne peuvent plus donner aux constructions une facture spéciale.

Promenons-nous dans la région pour retrouver encore, autour des centres de production, le grès dans ses emplois.

Au plus simple, sa dureté et sa résistance l'ont fait choisir pour faire des bornes de champs et de terroir, pour faire des pavés pour les routes. Ces vieilles routes pavées qui ont été en leur temps un grand progrès tendent à être supprimées, elles sont trop cahoteuses, il nous faut maintenant des chaussées lisses où l'auto peut filer sans secousse. Pour cela, on retaille les vieux pavés arrondis pour, en le rapetissant suffisamment, ne plus avoir de grands joints, ou on les laisse en place et on les recouvre d'un mastic de quartzite et de bitume qui donne de suite une surface lisse sur une fondation solide.

Naturellement c'est dans la construction de la maison que le grès a trouvé son emploi le plus général. La maison de Besny, dont nous donnons un dessin, est un type que nous pouvons trouver avec peu de variantes dans tous les villages de la région à grès. Comme le grès ne se prête pas à la taille, souvent les pieds-droits et les linteaux des portes et fenêtres sont en un matériau plus traitable : calcaire ou briques. Je pense que primitivement ces maisons rustiques étaient couvertes en chaume plutôt qu'en ardoises et que les corniches en briques datent de l'époque de la transformation, où elles devenaient apparentes- et où on avait besoin d'asseoir la sablière et la, goutte entoit sur une surface unie.

Les installations de puits à maçonnerie grossière et simple confirment le caractère rustique de la construction en grès.

Dans chaque village c'est à la construction de l'église et du château qu'on ménageait anciennement les raffinements d'architecture. Dans l'église en grès c'est la simplicité forcée : le clocher est comme une maison placée sur l'édifice, il a ses quatre murs d'entourage et deux pignons, tout au plus un peu de calcaire pour les cintres des ouvertures. Les angles sont renforcés par des contreforts qui s'élargissent par ressauts en descendant.

Deux intéressants châteaux construits en grès au moyen âge existent encore près de Laon. L'un est à Aulnois et est englobé dans la ferme Fouquet d'Hérouel, l'autre à Cerny-les-Bucy dans la propriété de M. Tilorier.

Un croquis du premier montre suffisamment l'aspect de la construction ; l'autre est très intéressant. C'est un donjon carré, massif, solide, aménagé pour permettre une longue claustration pendant un siège de temps troublé : au bas il y a des magasins et la cave ; au-dessus, dans la vaste salle d'habitation où conduit un escalier tournant on trouve un puits, un four dans l'épaisseur du mur, une grande cheminée, des cabinets d'aisance, l'ébrasure de la fenêtre dans un mur qui a plus de deux mètres d'épaisseur est comme une petite chambre : deux dalles de grès, tine da chaque côté, recouvertes de coussins servaient de sièges, aux hôtes qui avaient là assez de lumière pour leurs petits travaux. A la lisière d'une grande forêt les charpentiers n'avaient pas ménagé le bois pour soutenir la toiture qui serait intéressante à étudier en détail.

Ce que nous venons d'expliquer montre nettement l'influence de certaines formations géologiques sur l'aspect d’une région et sur diverses œuvres humaines et, lorsqu'en voyageant nous trouvons un changement dans les constructions, les productions, les manières d'opérer de l'homme c'est souvent de ce côté qu'on en trouvera les causes.

 

 

 

Maison de Besny

Puits à Besny

Eglise de Besny

Le Château d'Aulnois sous Laon

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