Quels changements on peut constater pendant une existence ! Les vieux de nos jours ont vu des transformations dans toutes choses : nourriture, habillement, maisons, routes et moyens de locomotion, machines, etc. Même ce qui semblait le plus rebelle au changement, le paysage, prend une nouvelle figure !

Nos plaines et plateaux de la Champagne, pauvres en eau, mais où le vent court librement, montraient partout des moulins à vent dont la silhouette typique, dominante, et animée donnait du pittoresque à la campagne. La route qui y menait était bordée de nombreuses meules de céréales et de bois et ressemblait à une rue de village de peuple primitif. Où la petite culture disparaît, ces petites meules, faites pour la grandeur des granges, disparaissent aussi. Les récoltes sont serrées dans de vastes hangars agricoles ou en grosses meules qui facilitent à tout moment le battage sur place à la machine. Le battage à la main, au fléau, dans les granges, est à l'état de souvenir.

Lorsqu'autrefois, je veux dire avant la guerre, on allait de Laon à Reims en chemin de fer, on voyait de côté et d'autre, plus ou moins loin, les moulins à vent et les petites meules semées dans la plaine. La guerre leur a été funeste : le cultivateur a transformé des dommages de guerre en hangars qui se sont substitués aux meules, les moulins ont été détruits et non relevés. La campagne a pris un autre caractère.

Pour les jeunes qui ne pourront connaître ces moulins disparus, je veux raconter ce que j'en ai observé dans ma jeunesse.

Comme son nom l'indique, le moulin à vent est mû par le vent, qui est de l'air en mouvement.

Cet air qui nous semble presque immatériel, un litre ne pèse que 1 gr. 3 environ, peut donner une poussée considérable sur une grande surface lorsqu'il se déplace vite. On compte 5 à 10 m. par seconde pour un vent ordinaire ; mais par tempête, sa vitesse peut aller de 15 à 30 m, dans le même temps. Son inconstance ne se borne pas seulement à sa force, mais aussi à sa direction : réchauffement inégal du sol, ses reliefs et ses ondulations le font vaciller. De là l'édification du moulin sur un plateau nu ou dans une plaine qui ne l'influait que peu. Dans la même intention on construisait la maison et les dépendances, sans hauteur, du côté des vents les moins fréquents. Enfin on recherchait l'emplacement favorable le plus près possible du village, car autrefois les chemins ruraux étaient souvent très mauvais pendant l'hiver et le printemps, et, comme dans la région les moulins faisaient de « blé, farine », on facilitait ainsi les transports. Dans les parties basses des régions du Nord, les moulins à vent sont utilisés pour d'autres usages, comme pour actionner des pompes qui élèvent l'eau de parties inondées dans des canaux.

La construction du Moulin

Le principe sur lequel repose la construction est celui-ci : Si le vent frappe directement une surface il la pousse en arrière ; mais s'il la rencontre obliquement il tend à la rejeter de côté. Alors si on fixe à un axe mobile des surfaces inclinées que le vent poussera dans le même sens de rotation, l'arbre tournera, et, par le moyen d'une roue dentée pourra par engrenages et poulies transmettre le mouvement aux différents appareils.

C'est simple. Mais si on pense que les ailes du moulin étaient des surfaces rectangulaires de onze à douze mètres de long sur deux mètres de large, soit plus de 80 mètres carrés de surface pour les quatre ailes, il fallait un squelette robuste pour soutenir leur poids et résister aux plus grandes pressions du vent ; un arbre tournant énorme de 50 à 60 cm. d'équarrissage à la tête, pour y percer les trous où passaient les fortes pièces de bois qui soutenaient la surface offerte au vent ; que l'ensemble moteur devait pouvoir pivoter dans toutes les directions, ce qui ne peut arriver que si toute la petite usine tourne sur un pivot ou si c'est seulement l'arbre tournant, ses dépendances et le toit qui font face au vent, on voit que la réalisation avait à vaincre de grosses difficultés.

Les Moulins à pivot

Le pivot du moulin était un gros tronc, d'arbre taillé à pans, 4 ou 8, suivant la direction des étais, dans la partie au-dessous du plancher et cylindrique dans l'intérieur. Il supportait en bout une énorme poutre qui pouvait tourner horizontalement et sur laquelle reposaient les solives de l'étage et certaines poutres essentielles des parois extérieures. De plus, un plateau formé de quatre forts madriers assemblés, s'appuyait sur le bout des étais qui maintenaient le pivot vertical, et soutenait deux fortes poutres jumelles séparées par le pivot. Elles servaient d'appuis aux solives du plancher du bas et à des poutres supportant la carcasse extérieure dans un sens perpendiculaire à celui que soutenait le sommier placé sur le pivot.

La construction des parois extérieures, du toit et des planchers n'avait rien de particulier si ce n'est que cela d'avoir à faire peser les charges sur les bases que nous venons de décrire. Le plan du moulin était rectangulaire avec le côté étroit vers la volée pour supporter moins de poussée par le vent et cette paroi ou poitrine était légèrement arrondie dans la même intention. Elle recevait la pluie, le moulin étant toujours tourné au vent et pour cela avait un revêtement de planches se recouvrant, d'ardoises, ou d'écaillés de chêne dans les vieux moulins. La paroi opposée avait la porte à l'étage du bas et une fenêtre à l'étage du haut.

L'arbre tournant était au niveau du toit, un peu incliné vers l'intérieur et portait une ou deux roues dentées, suivant que le moulin avait une ou deux paires de meules, qui s'engrenaient avec l'axe qui les faisait tourner. Les meules étaient circulaires, percées au centre et formées de pierres meulières assemblées, scellées et maintenues par des cercles de fer. Leur fabrication était une spécialité de La Ferté-sous-Jouarre. Il y avait une meule fixe, celle du dessous, et une mobile ; leur surface était légèrement concave, creusée de sillons pour faciliter le cheminement du grain qui arrivait régulièrement par le centre, produire un écrasement progressif qui se terminait à la circonférence où les deux meules se touchaient presque. D'ailleurs une vis permettait de régler l'écartemient : c'était en grand le principe du moulin à café qui a tant servi de moulin à farine pendant la guerre dans les campagnes de nos régions envahies.

Malgré leur extrême dureté, la surface de ces meules s'usait, n'avait plus de mordant, on leur en donnait par le retaillage. Avec l'aide du vent, le meunier soulevait la meule du dessus, l'adossait sur le côté et en employant des marteaux à deux taillants en bon acier trempés assez durs pour rayer le verre, il rajeunissait par tapotement, sillons et surface. Travail ingrat et non sans danger si on l'avait souvent répété, car la poussière de meulière si coupante nuisait aux bronches, et aux yeux que le meunier protégeait par des lunettes. La poussière de grain écrasé descendait à la bluterie, dont le rôle était de séparer la farine du son, ayant l'aspect d'un long prisme à six pans dont les arêtes étaient des règles de bois retenues à l'axe tournant par des tiges en fer traversant chacune une petite boule de bois glissant librement. La surface latérale était recouverte d'une gaze de soie, servant de tamis, tissée pour cet usage.

Arrivant à la partie supérieure du prisme tournant, qui était incliné, le mélange descendait progressivement vers le bas. En cours de route, la farine passait à travers la soie, aidée par le tapotement continuel des boucles de bois qui retombaient par leur poids lorsque la rotation les ramenait en haut. Finalement le son seul arrivait au bout du prisme. Ce que nous venons d'indiquer c'est l'essentiel. Notre petite usine avait d'autres services accessoires :

Un monte-charge pour lever les sacs de blé de la voiture à l'arrivée jusqu'au deuxième étage ou pour descendre les sacs de farine ;

Un nettoyage pour enlever la poussière et les impuretés des grains ;

Une meule en grès pour aiguiser les marteaux ;

Un frein, sur l'arbre tournant, pour arrêter le moulin en cas de nécessité : accident, remaniement de la volée ou soulevage de la meule.

De vieux moulins qui sans doute s'étaient trouvés à l'étroit dans leur enveloppe avaient trouvé de la place en s'accolant des dépendances, sortes d'excroissances qui ajoutaient de l'originalité à leur silhouette.

La volée

Maintenant que nous avons une idée de l'usine, examinons plus attentivement l'appareil moteur.

Il est constitué, nous l'avons dit, par de grandes surfaces, fixées à un arbre tournant, subissant l'action du vent sous une certaine inclinaison et produisant la rotation de l'ensemble.

La surface d'un volant était primitivement obtenue par une toile tendue sur une sorte de châssis formé d'une pièce de bois de dix à douze mètres de longueur portant tous les 0 m. 40 des barres de 2 mètres assemblées en bout dans des montants, le tout présentant l'aspect d'une vaste échelle. L'ensemble était légèrement concave et plus incliné en bas vers le vent.

Le meunier, après arrêt de son moulin, grimpait à ces échelles pour donner aux toiles la surface qu'il jugeait convenable pour avoir une bonne vitesse ; on peut le comparer à un marin de navire à voiles qui pressentant un coup de vent dangereux, grimpe dans les haubans pour replier ses voiles.

Les moulins de la région avaient quatre ailes. Pourtant, du chemin de fer, avant d'arriver à Reims, à La Neuvillette, on en apercevait un qui en avait six.

On réalisa un progrès en permettant au meunier de régler la surface de ses volants de l'intérieur du moulin.

La toile et les barres étaient remplacées par dix planches minces de sapin, 1 cm. environ d'épaisseur sur 23 cm. de largeur. Chacune de ces planches était divisée en cinq parties égales à partir de 5 cm. environ de l'extrémité et était ferrée transversalement à chaque point de division par une bande de fer plat mince repliée sur les deux faces, rivée et débordant de quelques centimètres sur un côté. Un trou percé dans cette saillie permettait de fixer la planche par une vis à tête très large sur une traverse qui elle-même n'était retenue en son milieu à l'axe de l'aile que par un seul boulon. Quand les barres étaient perpendiculaires à l'axe, les planches se recouvraient légèrement, mais quand on les obliquait, les planches glissaient en se recouvrant jusqu'à se superposer quand l'obliquité était grande : on la réglait de l'intérieur au moyen d'un engrenage qui agissait sur des tiges de fer tirant ou repoussant l'extrémité de la barre voisine de l'arbre.

De ces deux modes d'habiller le volant, le revêtement en planches s'il rendait la manœuvre plus commode était coûteux et ceux qu'effrayait la dépense de transformation conservaient la toile à leurs moulins. Des deux moulins que j'ai connus à Prouvais, l'un avait des toiles, l'autre des planches et il en était de même dans les villages voisins.

Le moulin devait toujours être orienté au vent. Le meunier devait donc souvent en tourner la masse énorme ce qui n'était pas un petit travail. Pour y arriver, le moulin était pourvu d'une queue, longue poutre fixée solidement par sa grosse extrémité près du pivot, entre les jumelles, soutenue plus loin par un étrier de fer et ayant à l'autre extrémité un cabestan.

Sur le cercle que décrivait l'extrémité de la queue pendant la rotation du moulin, on avait enfoncé en terre de forts piquets. Le meunier déroulait la chaîne du cabestan, en fixait l'extrémité au piquet le plus convenable et agissant sur les bras des leviers arrivait au résultat voulu. C'était long et fatigant, aussi quand le déplacement était grand, il trouvait plus commode et plus rapide d'atteler son cheval pour fournir l'effort sans agir sur le cabestan.

La queue du moulin servait encore à soutenir le milieu d'une échelle de meunier dont l'extrémité haute s'appuyait au seuil de la porte et l'extrémité basse était libre à une vingtaine de centimètres du soi.

 

Les Moulins à tour

Leur installation intérieure était la même que celle des moulins à pivot, leur toit seul tournait avec la volée et l'arbre tournant. Il s'en suit que l'axe de l'engrenage pignon devait se trouver dans l'axe de la tour.

La queue était assujettie au toit. Dans les tours très hautes elle ne pouvait descendre jusqu'au sol, alors on était obligé d'établir une plate-forme circulaire à une hauteur convenable pour la manœuvre ou de relever le sol à la base de la tour.

La disparition des moulins à pivot arrivait sans laisser d'autres vestiges que des débris de meules. Elle venait par vieillesse et les bois servaient au chauffage ; par tempête qui les prenant à revers les renversait ; par imprudence, un meunier frileux installait un poêle dans son moulin, ce qui arriva à Proviseux, et provoquait un incendie non maîtrisable.

Les moulins à tour de maçonnerie en cessant d'exister comme moulins, laissaient leur corps qui dominait la plaine comme un donjon. Les Laonnois se rappellent assurément la tour qui, avant la guerre, se dressait entre Laon et Athies. La tour de Vauclerc, au-dessus de Craonne, qui avait servi d'observatoire à Napoléon Ier pendant la bataille de 1814, et que la dernière guerre a anéantie, était un reste d'ancien moulin.

Si les matériaux de la tour étaient complètement enlevés, il restait la butte de terre établie à la base, pour atteindre la queue du moulin, dont la forme régulière en tumulus fera rêver les archéologues de l'avenir qui pourront ne plus penser aux moulins à vent : il y a de ces buttes à Athies et à Vissignicourt.

La vie du Meunier

Le meunier était autrefois un personnage d'importance dans le village. Alors que les communications étaient fort difficiles avec les environs pendant la mauvaise saison par suite des mauvais chemins, il avait la charge d'alimenter le village en farine. Les familles étaient nombreuses, et dans tous les ménages on cuisait le pain avec de la farine qu'on avait par la mouture de son grain, si on était cultivateur, ou par le grain qu'on avait eu comme salaire à la moisson ou au battage, si on était manouvrier. L'année est longue et les dents l'étaient aussi, la réserve de blé des pauvres gens n'était pas toujours suffisante. Bien sûr l'argent n'abondait pas, alors on suppliait le meunier de faire des avances de farine qu'on réglerait sans faute à la moisson future. On en avait l'intention, mais souvent la réalisation était bien pénible.

Pour faire de « blé, farine », il faut du blé ou d'autres céréales. Le meunier les avait par achat et il en tirait de la farine et du son pour le commerce, ou bien ses clients lui en confiaient pour leur écraser à façon. Il leur rendait un tant pour cent de farine et de son, diminuait un peu pour la perte au nettoyage et réclamait des frais déterminés de mouture par quintal. Il écrasait aussi des céréales de moindre valeur pour la nourriture des bestiaux, surtout des porcs, mais sans les bluter.

Chaque semaine on le voyait vêtu de blanc, en blouse, conduire avec son tombereau spécial les collées à ses clients. En cas de chemins impraticables, il avait le dos du baudet pour y suppléer.

Avec du blé, un moulin prêt à fonctionner, il n'y avait plus qu'à écraser.

Le moulin étant en mouvement, le monte-charge levait les sacs de grains de la voiture jusqu'au plancher des meules. Les trémies du nettoyage et des meules étaient remplies ; l'écrasage et le blutage se faisaient et après le temps nécessaire, on avait obtenu le résultat : farine et son.

Pour l'observateur superficiel c'est simple et beau, mais combien différente était la réalité.

Il y avait d'abord à compter avec l'inconstance du vent. Tantôt de direction oscillante, tantôt variant de force, bourradeux, il obligeait le meunier à être constamment en éveil, à scruter l'horizon, à observer les nuages. Il devait être comme le capitaine d'un navire, et il en avait les qualités : observateur, prévoyant, prompt aux décisions. Figurez-vous-le à l'approche d'un grain, arrêtant vivement le moulin, grimpant aux échelons sous le vent et la pluie pour serrer les toiles, courant au cabestan pour gouverner face au vent. Et si cela arrive la nuit ! en hiver ! quand, à l'intérieur, éclairé seulement par sa lanterne de corne, il entendait tout craquer et grincer au milieu des mugissements du vent. On pourrait citer de ces tempêtes où des ailes détachées avaient été enlevées à des centaines de mètres. Un autre danger le menaçait dans ses affections, c'était qu'un de ses jeunes enfants, trompant la surveillance, n'arrive près des volants dont l'extrémité frôlait la terre et enlevé, aille s'écraser sur le sol. On m'en a cité des exemples.

Bien sûr, le tableau n'était pas toujours si laid. Des vents d'Est secs, réguliers jour et nuit, donnaient au moulin à vent la régularité d'un moulin à eau ou à vapeur. Alors on abattait de l'ouvrage ; le vent donnant, on en profitait. Le patron et son garde-moulin se succédaient jour et nuit, et comme cela arrivait surtout l'hiver, on entretenait à lamaison un feu de bûches entourées de braisettes et de poux de sarrasin pour venir se réchauffer un brin, boire une goutte jusqu'à ce que la sonnette de la trémie se fasse entendre.

Il y avait beaucoup d'ingéniosité dans ces usines simples : l'axe qui entraînait les meules était carré. Par la rotation, chaque arête frappait une tringle aboutissant au fond de la trémie contenant le blé : celui-ci toujours secoué ne pouvait donc pas s'immobiliser. Par le même moyen on fixait à un ressort, une sonnette qui, normalement, devait être continuellement agitée par la rotation de l'arbre carré, mais par l'intermédiaire d'une ficelle et d'une espèce de poire qu'on plaçait au fond de la trémie, elle se trouvait écartée. Quand la trémie se vidait, la poire n'étant plus retenue par la charge du grain remontait et la sonnette appelait continuellement le garde-moulin.

Aux périodes venteuses succèdent des périodes d'accalmie plus ou moins complètes, alors le meunier avait des loisirs forcés. Figurez-vous-le à un des trous ronds percés dans les parois latérales, passant sa tête blanche de farine, coiffée de son bonnet de coton, au milieu de l'auréole que la poussière de farine avait donnée à la paroi près du trou, cherchant à deviner ce qui va se produire. De son regard perçant, habitué à scruter l'horizon, il examine si ses collègues des environs sont à l'arrêt comme lui, si ceux qui sont sur les plateaux ont plus de chance et de quel point leur vient le vent et il en tire des pronostics pour le temps prochain. Si rien n'est pressant, il laisse errer son regard sur la campagne, voit les laboureurs au travail et même l'herbière en maraude qui ne se doute guère que de son observatoire il voit bien des choses. Enfin, étendant une légère paillasse sur la couverture de ses meules, il se repose, rêve ou sommeille.

Si l'accalmie doit avoir un peu de durée; il entreprend d'autres travaux : il remue les farines qui en été s'échaufferaient et prendraient mauvais goût ; il en enchâsse pour faire des expéditions ; il rhabille les meules, affûte ses marteaux ; il fait des réparations nécessaires.

Au moulin était généralement annexée une petite culture qui réclamait précisément du travail aux périodes de chômage. L'élevage des porcs avait chez lui plus d'importance qu'ailleurs parce qu'il avait la nourriture en abondance. Le charcutier estimait la viande ferme de ses porcs bien alimentés ; pour le paiement il sortait d'un sac de toile toute la monnaie d'argent reçue dans les tournées, les billets n'étaient guère en usage au vieux temps. Le meunier devait ouvrir l'œil, car s'il avait livré de bonne marchandise, bien pesée, il risquait de trouver dans le tas de pièces, des monnaies dépréciées ou fausses que le charcutier trop occupé à bavarder avec ses clientes n'avait pas examinées à la réception et dont il tâchait de se débarrasser chez son fournisseur.

Cette vie du meunier, c'est maintenant de l'histoire du temps passé. Dans nos régions les moulins à vent sont morts.

Ils sont morts tués parce que nous appelons le progrès.

Ils sont morts parce que nous avons voulu manger du pain, non pas plus nourrissant, mais plus blanc ; que les belles routes, les chemins de fer ont permis d'aller chercher une farine aux usines que sont les grands moulins ; parce que les familles étant moins nombreuses, il n'y avait plus d'économie à cuire son pain ; que les frais d'entretien du moulin toujours grands, étaient devenus exorbitants par la rareté et la cherté de la main-d'œuvre et des matériaux ; parce qu'enfin le travail était trop irrégulier et qu'on supportait moins le travail pénible.

Mais pourtant, le vent nous donne une force considérable inutilisée. Il me semble qu'avec les progrès réalisés dans la construction en ciment armé, dans les machines précises et à roulements doux, dans la connaissance plus approfondie que l'aéronautique a permis d'avoir sur les hélices aériennes, il serait possible à un ingénieur de concevoir un moulin à vent de bon rendement et de faible entretien, de facile conduite, donnant une force motrice, non pas uniquement destinée à des appareils à farine, mais aussi à d'autres usages : écrasage, sciage, tournage, pompage, etc. Je vois en rêve une tour analogue à ces hautes tours qui supportent des réservoirs à eau, ayant à travers de nombreux étages, un arbre moteur dont les courroies des poulies donneraient la vie à des appareils variés et par conséquence à des artisans de la campagne.

 

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